A quoi ressemblent les rêves des mamans ?

C’est la fête des mères et les réseaux sont submergés de « je t’aime, maman », « tu es la plus belle, maman », « Je ne serais pas là sans toi, maman » (affirmation difficile à contester).

Les marques se lâchent à grands coups de comm’ dans les boîtes mails, chacune y va de son manifeste pro-maman, de son expression de gratitude pour toutes celles qui exercent « le plus beau métier du monde » (toi qui hésites encore à te lancer, note bien qu’il s’agit d’une fonction à temps plein non rémunérée). Avec en fin de mail, une idée cadeau évidemment, puisque si on nous invite à célébrer les mamans, c’est aussi dans l’espoir de nous faire consommer un peu, ne nous y trompons pas.

Certaines marques ont mieux compris la réalité du quotidien d’une mère que les autres : en cliquant sur « découvrir le cadeau parfait », pas de bon pour un massage ni de poudre de perlimpinpin, mais une promotion sur un casque réducteur de bruit. Tant pis pour la poésie, mais le message a le mérite d’être clair : si être mère est une aventure extraordinaire, c’est aussi la garantie d’être submergée par les sons des autres tous les jours toute l’année.

Les messages tendres une fois par an au mois de mai, c’est le bonus annuel des mères qui croulent tout le reste de l’année sous les repas à préparer, les coups de fil de l’école (« Charlie a de la fièvre, il faudrait venir le récupérer. Maintenant, oui, c’est mieux pour lui vous comprenez. »), ou les choix d’orientation qui envahissent leur temps comme leurs pensées.

Elles sont extraordinaire, les mères : elles ne disent jamais non. On les ad mire pour leur capacité à rendre service en plus de tout ce qu’elles font déjà. Quand arrive le mois de juin, l’école soudain a besoin de gateaux « fait maison », de doigts de couturières pour un costume, de « parents » pour tenir un stand à la kermesse. Les mères disent oui, oui, et encore oui, bougez pas, je me réorganise, ça va le faire.

Vous savez pourquoi elles font ça ? Pour prouver au monde entier qu’elles sont des mères exemplaires ? Je ne crois pas. Je pense que l’on fait fausse route avec tous ces articles sur les mères perfectionnistes.

Ce que je crois, c’est qu’un emploi du temps déjà totalement fragmenté par la réponse aux besoins d’autres êtres vivants empêche de formuler ses propres désirs et de mener ses propres projets. Le temps ne nous appartient plus, alors un « oui » de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose.

Trop de « oui » de mamans sont teintés de la couleur du renoncement.

Tant d’entre elles ont mis de côté ce qui les faisait vibrer intensément. Lire des romans, jouer du piano, dessiner, improviser une sieste après le déjeuner dans un jardin ensoleillé. Ces moments où le corps et le cerveau se ressourcent, où l’on renoue avec le calme intérieur et le fil de ses pensées. Où le désir renaît, et avec lui l’ambition de mener sa vie comme on l’entend, de se ré-approprier son temps.

Et si plutôt qu’une journée par an où l’on remercie toutes les mères pour les « oui » prononcés, on s’attachait à leur donner plus souvent la permission de dire « non, je n’ai pas envie », « non, j’ai d’autres priorités » ?

On découvrirait les rêves des mamans, tout ce qu’elles ont envie de dire, construire et partager. Des rêves bien trop grands pour entrer dans la boîte à goûter, et plus beaux encore que ceux qu’elles rendent possibles en se faisant toujours passer en dernier.

A toutes les mamans : revendiquez la place au centre, au premier rang.

(et bonne fête maman, pense à dire NON de temps en temps 😉

Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels.com

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